Début mars, Action Pinoise Zéro Déchet publie une pétition en ligne (https://chng.it/RMnWcKKx45)
Samedi 15 mars 2024 s’est tenue une manifestation publique devant la mairie de Le Pin. Plusieurs associations locales se sont associées pour formuler un avis négatif lors de la cloture de l’enquête publique.
Qu’est-ce que ce projet d’extension d’ISDD ? Qu’est-ce que c’était, cette “enquête publique” et pourquoi est-ce que APZD s’oppose au projet ?
Déjà c’est quoi un ISDD et à quoi ça sert ?
ISDD, ça tient pour “Installation de Stockage de Déchets Dangereux”. Tous les ISDD ne traitent pas les mêmes types de déchets dangereux, et dans cet article, nous parlerons uniquement de l’ISDD de Villeparisis.

Quels déchets ?
L’ISDD de Villeparisis accueille des déchets de natures et d’origines diverses. Les déchets qui y rentrent sont ce qu’on appelle des “déchets ultimes”, c’est-à-dire des déchets que la technique actuelle ne nous permet pas de valoriser.
Par exemple :
- les “terres polluées” : les boues et poussières ayant été contaminées par des activités industrielles (par exemple dans les stations d’essence, quand la terre a été souillée par des hydrocarbures)
- les “REFIOM” (Résidus d’Épuration des Fumées d’Incinération des Ordures Ménagères) : en gros, les cendres toxiques qui restent de l’incinération de nos déchets.
- les déchets “amiantifères” : tout ce qui contient des traces d’amiantes
Ces déchets proviennent à 40% de l’Île-de-France, principalement d’activités industrielles. 40%, c’est beaucoup. Mais ça signifie surtout que la majorité des déchets ne proviennent pas d’Île-de-France. Pourquoi donc ? Parce qu’il n’existe pas énormément d’ISDD de ce type en France. En Île-de-France, il n’en existe que 2 de cette catégorie, et l’autre est dans les Yvelines.
Comment ça marche ?
Comme nous venons de le voir, ces déchets sont appelés des “déchets ultimes”. En clair, on ne peut rien en faire et il serait extrêmement dangereux de les laisser traîner dans la nature. Alors on va les stabiliser puis les enfouir dans le sol pour éviter qu’ils ne polluent ailleurs.
Pour ce faire, plusieurs corps de métiers s’associent pour dissocier, isoler, stabiliser, puis emprisonner dans des blocs solides ces déchets. Ensuite, ces blocs sont regroupés dans des grandes fosses hermétiques creusées dans la terre, et munies de mécanismes de drain (pour récupérer les lixiviats). Enfin, la fosse est surveillée avec des caméras thermiques (entre autres), jusqu’à la fin de l’exploitation.
Quel est ce projet d’extension ?
Le site de Villeparisis ne va pas tarder à atteindre saturation. On produit trop de déchets. “On”, c’est pas forcément nous dans le 77. “On” c’est toute la France. Et nos voisins ont le même problème chez eux.
Or un ISDD ça coûte cher à produire, alors plutôt que d’en construire d’autres ailleurs, des décideurs se sont dit que ce serait quand même plus économique d’agrandir cette installation existante. Et c’est super cool, parce que juste à côté, il y a les anciennes carrières de Placo (St-Gobin), qui sont maintenant “libres”. Une aubaine !
L’analyse de APZD
Notre mode de vie actuel pose problème à bien des égards. Depuis les années 70, la “croissance” s’est faite au détriment d’une décroissance invisible mais bien réelle. Oui, nous sommes nombreux à avoir été au bénéfice de ces avancées (médecine, alimentation, confort, loisirs, …) mais cela ne s’est pas fait sans une série de “coûts cachés” (humains, écologiques, éthiques, …)
Et parmi ces coûts cachés, il y a ce mensonge par omission : on a fait croire à des générations que “tout va bien, quand tu veux disposer d’un objet, tu le mets à la poubelle et il disparaît magiquement, enlevé par des petits lutins qui vont le transformer en lingots d’or”.
Ben non. Quand on jette un objet à la poubelle, même nos ingénieurs ne savent pas trop quoi en faire. Quand on construit un ordinateur, un smartphone, dans 10 ans on ne saura pas quoi faire de ce déchet (écran, circuits imprimés, batterie). Quand on construit un immeuble, dans 60 ans – allez dans 100 ans max – on voudra le détruire, et on ne saura pas quoi en faire.
Alors ces déchets seront principalement enfouis dans des ISDND, des ISDI, et si le tri est bien fait, la partie “dangereuse” sera enfouie dans un ISDD. À côté de chez nous, à Villeparisis.
Malheureusement, un ISDD c’est encore nécessaire en 2025. Parce que notre société continue sur sa lancée destructrice à produire toujours plus de déchets ultimes. Et cette courbe s’est encore empirée en 2015 avec l’expansion des cryptomonnaies, et encore une fois en 2024 avec l’arrivée des LLM notamment (les IA génératives). On est très très forts pour développer ce qui nous tuera dans 50 ans.
Alors pourquoi est-ce que APZD s’oppose à ce projet ?
Le sous-préfet de Meaux, lors de la réunion publique du 6 février 2025, a sermonné l’assemblée d’un “Not In My Backyard”. Sous-entendu, “on consent tous à laisser faire des choses inacceptables pourvu que ce ne soit pas chez nous”. Sous-sous-entendu “vous êtes des égoïstes de ne pas vouloir que la France décharge ses poubelles chez vous”.
Au contraire, il y a plein de bonnes raisons cartésiennes pour lesquelles on veut s’opposer à ce projet.
L’avant
Déjà parce qu’il va falloir en décaisser, de la terre. Souvenez-vous, il y a quelques années, c’était le site de Placo/St-Gobin qui occupait ces carrières de gypse. À la fin de l’exploitation, la société a replanté à titre compensatoire, pour recréer un environnement propice à la biodiversité. C’est cet environnement qui va devoir à nouveau être détruit et décaissé, équivalant à d’environ 300 000 camions-bennes de terres charriées via nos routes.
La crainte partagée par les associations, c’est d’abord les quantités de poussières qui vont être envoyées dans l’air et respirées par les habitants des environs. Pendant toute la durée des travaux. Ensuite, la congestion autoroutière découlant de ces opérations. Enfin les nuisances sonores, d’autant que le projet à date ne mentionne pas les horaires de travaux.
L’après
Après la durée d’exploitation (dans 30 ans, enfin si on ne décide pas de faire l’extension de l’extension, car l’indécence n’a pas de limites), il n’y a aucune garantie de ce qu’il se passe. Suez a été très évasif sur ce sujet : “nous n’avons pas encore eu de cas où nous avons dû nous séparer d’une installation“. Autrement dit, ils n’ont aucune garantie. Pour rappel, les ISDD existent seulement depuis les années 70. Ça fait moins de 50 ans qu’on opère ce genre d’installations. Personne n’a la moindre idée de ce qu’il peut se produire si d’aventure il y a un accident post-opératoire.
Pour rappel, le ‘D’ de ISDD tient pour “Dangereux”. Ces déchets enfouis présentent encore un risque de réaction (même des solides peuvent produire des réactions chimiques, et c’est bien pour cela qu’on doit les traiter dans un ISDD, suivant des processus complexes et rigoureux). L’endommagement de l’une des bâches après enfouissement présenterait sans doute des conséquences graves sur l’environnement.
Et le ras-le-bol
Le ras-le-bol, c’est qu’on s’adresse à nous comme à des gamins capricieux qui ne veulent pas faire d’effort. C’est démagogique, et c’est surtout injuste. Non, nous ne sommes pas des égoïstes. Le site de l’ADEME contient toutes les données permettant de trancher sur la répartition de qui produit les déchets et qui les réceptionne (voir bibliographie en pied de page).
Sans surprise, ce sont nos concitoyens des DOM-TOM qui récupèrent la majeure partie de nos déchets. Mais le 77 est top-tiers dans le ratio de déchets récupérés par habitant : nous produisons globalement peu de déchets, et nous accueillons les déchets des autres. La raison qui nous a été soufflée serait principalement politique : certaines régions ont dit “non”. Et l’Île-de-France a dit “oui”, et a pointé du doigt le 77 pour faire terre d’accueil, poubelle à ciel ouvert, pour le reste de la France.
Voilà donc pourquoi APZD s’oppose à cette décision en top-down de nos dirigeants : nous n’acceptons pas d’être considérés comme la poubelle de la France. Accepter ce projet reviendrait à considérer que notre situation est acceptable, or elle ne l’est pas. Et nous ne voulons pas être un facilitateur à ce que cette situation perdure pendant 30 ans supplémentaires.
Bibliographie
https://data.ademe.fr/datasets/tonnage-decheterie-par-type-dechet-par-dept
https://www.registre-numerique.fr/suez-isdd-villeparisis-le-pin/documents